PRIÈRE DE BONHEUR
Isabel Baraona
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Next PieceABSTRACT: We inherited from Classical culture a lineage of feral female tragic characters. Although today almost forgotten, Antigone, Medea, and Cassandra, defied patriarchal law and endured the consequences. These are women who were tamed neither by their own fears nor by their fathers, older brothers, husbands, or priests. “Prière de Bonheur” [Prayer for Happiness] is a plural voice. A “we,” aware of their imperfections, claiming for joy and for a singularity. It is a pathetic and epic song about being a woman. This text, originally written in French, is dedicated to the Belgian writer Henry Bauchau.
je, sujet masculin.
nous, pluriel féminin.
nous qui sommes seulement presque
qui ne sommes qu’en devenir,
bleu ou rouge selon un grand auteur.
nous, plurielles et parfois répétitives,
qui sommes les élues, mais pas les plus belles
qui sommes les aimées, mais pas les plus jeunes
nous, gauches et sans gêne, entre squelette et survie
qui nous écorchons la peau pour trouver un cœur
qui écoutons l’amour des hommes comme s’ils étaient des femmes.
(celles qui aiment, maîtresses indifférentes d’être ou pas aimées)
nous qui ayant effleuré ta peau avons faim.
nous contre toi, contre le mur, contre le ciment,
qui avons un corps lourds et beaucoup trop grand,
et qui subissons l’amour par un trou,
par les pores, par la noirceur des yeux, par la bouche.
une personne entière réduite à son sexe
et ainsi, parfois, un monde tout petit devient abîme.
nous qui avons un cœur et deux langues
dont une ne peut être employée qu’en cas de péril.
nous, immergées, lucides, entêtées d’y être
qui savons qu’une maison n’est qu’un corps
(a)mère cimentée dans un transitoire espace physique
nous, qu’un imperceptible fil sauve et suspend au creux de la folie
qui ne parlons pas d’angoisse, puisque les mots sont dessein
nous, sidérées par l’entité incontestable du père,
et qui survivons à l’icône défaite en orage.
souvent ravagées par la bienveillante bonté des autres,
nous qui prions tous les jours pour un peu de bonheur
avec beaucoup de mots pathétiques
des paroles séculaires et un peu de vérité.
nous, quasi indemnes, si démunies et sans tribu
ne savons nommer d’enfant pour devenir peuple
nous, les si pauvres, avons la vocation intègre d’être les plus libres
qui ne sommes même pas une personne mais presque,
nous prions toujours et encore, pour un bonheur léger et vif
Isabel Baraona graduated in Painting at La Cambre, Brussels, in 2002. In 2011, she obtained a PhD in Visual Arts from UP Valência with the research project “Self-Portrait and Self-Representation: A Change of Paradigm in the 20th Century.” Baraona has been lecturing at ESAD.CR in Portugal since 2003. She has exhibited her work since 2001, participating in several solo and group shows in Belgium, Portugal, Norway, and South Korea.